Voulez-vous célébrer les noces de Bacon et de Rembrandt ? Les voulez-vous - ainsi va toute chair - en trois dimensions et aux limites de la perception ? Voulez-vous que le corps change sous la caresse de votre regard pour devenir, dans son immobilité, quelque chose qui n’appartient plus ni à lui ni à vous ? Allez au palais des Papes, à la collection Lambert, et tournez autour des morceaux carnés, plus ou moins artificiels, tantôt organiques tantôt végétaux, exposés ou pendus par l’une des cinq papesses en gloire cet été - la plus jeune de cette extraordinaire bande d’artiste de l’hystérie : la Belge Berlinde de Bruyckere, née en 1964 à Gand, la ville de l’Agneau mystique.
Que voyez-vous ? Le bœuf écorché saisi par l’enfer charnel de Bacon. L’enfer est infini : la chair n’en finit pas d’être guettée par sa propre fin. On ne sait donc jamais, dans les «pièces» de Berlinde de Bruyckere, où sont les limites de ce que l’on voit ; où finit la jambe qui devient la hanche ; où commence l’épaule qui devient la fesse ; où finit la souche et où commence le moignon ; ce qui est achevé, ce qui est avorté, ce qui est amputé ; ce qui relève de la peau ou des os et ce qui tient de l’arbre mort ; jusqu’où va la vie et quand la mort l’accueille. La matière est vivante et elle est morte. Elle ébauche les formes qui la dissolvent ou la transforment, comme dans un film de David Cronenberg : au palais, un pape est appelé à muter.
Bourreau. Dans les romans, on p