Braque est un peintre sans histoire. C'est aussi une sorte de chevalier : héros tranquille des choses et des huiles, sans peur et sans reproche - sans repos. Commençons par la fin. Au bout de son aventure héraldique, vivant à Varengeville, en Normandie, là où il accueillit Prévert et Miró, il peint des oiseaux en vol qu'on sent immobiles, plombés à l'or du temps. Ronds comme des palettes de peintre, transparents comme des bulles, ils naissent de cette extraordinaire série des grands Ateliers qui, en 1949, fascinèrent le jaloux Picasso («Yé né comprends pas ! Yé né comprends pas !»). Ce sont des bric-à-brac d'objets posés ici et là, vases, tables, napperons, lampes, objets, en vrac apparent, brutalement simplifiés et organisés par le noir : la quotidienne et perpétuelle petite boutique des splendeurs.
Avec Picasso et Matisse, Braque est le grand compositeur de toiles de son siècle : la moindre tache, le moindre ornement est à sa place, même quand ils pourraient sembler de trop. Mais la tension picturale entre l'ordre et le désordre, entre les sens et la pensée, n'est jamais aussi forte que dans le fouillis de ces Ateliers d'après-guerre. L'oiseau qui plane sur eux, est-ce une idée, un bas-relief, un nuage, une éclaircie dans l'orgueil du peintre ? C'est en tout cas une chose qui s'élève pour se déposer quelque temps plus tard, dans la dernière salle de la rétrospective du Grand Palais, sur des fonds bleus, noirs, bruns, à la matière épaisse et grumel