«Le funèbre monsieur Vallotton» écrit Apollinaire. Et Jules Renard, qu'il a pourtant illustré : «Vallotton, d'une insignifiante tristesse de tapissier.» Funèbre ? Insignifiant ? Tapissier ? Prenons le tableau qui fait l'affiche de la rétrospective du Grand Palais. Il s'intitule la Loge de théâtre, mais aussi, ironiquement, le Monsieur et la Dame. Félix Vallotton l'a peint en 1909. Il a 43 ans. Comme pas mal d'œuvres du peintre suisse naturalisé français, celle-ci vient d'une collection particulière. Sa postérité vit largement, comme un secret, dans les meubles des villas helvètes - mélancolie sous coffre.
Au Grand Palais, le tableau figure dans la section «Refoulement et mensonge». Vallotton est l'enlumineur laconique du sarcasme des sens. Il aime «les écoles sévères et de grand goût», Dürer, Holbein, Rembrandt, Ingres, Cézanne. C'est l'archer réservé, le tueur par suggestion : flèche, ligne et signe. Son geste est recadré ou décadré en vol, comme celui de Caillebotte, dans l'autre ciel photographique. Ami de Marcel Schwob et d'Octave Mirbeau, il a peu d'illusions sur le couple et la société : ennui, hypocrisie, violence froide et absence d'échange, extinction progressive de tous les sens dans le regard de l'autre. Son monde est un aquarium de velours sec et profond, plein d'amants, de bourgeois, de soubrettes, de femmes entre elles, de hauts-de-forme, de cannes à viol, de flics, de matraques, de prostituées, de canons, d'obus, de