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Libération
Reportage

L’Amérique pigeonnée

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L’artiste américain Duke Riley, qui est aussi colombophile, est guidé par un maître-mot, la liberté. Son dernier défi : déjouer la surveillance qu’exerce son pays sur Cuba.
publié le 1er novembre 2013 à 18h06

Comme Ghost Dog, le héros de Jim Jarmusch, Duke Riley élève des pigeons en Amérique. Mais il n'est ni noir, ni gros, ni tueur, ni samouraï, ni solitaire. C'est un homme blanc, souriant et fin de 41 ans, aux yeux clairs et au regard amusé, musclé et largement tatoué, croisement d'un marin de Cap Cod - où il a passé son enfance - et d'un artiste de Brooklyn - où il habite et travaille. Un grand pigeon est dessiné sur son biceps droit. Les siens roucoulent dans de vieilles caisses, à l'étage d'un ancien entrepôt donnant sur un canal. Au loin, c'est Manhattan. D'autres artistes travaillent ici. Il y a des tableaux, des sculptures, des blocs de matières, des déchets. Un cheval d'acier se dresse à l'entrée, prêt pour l'apocalypse. D'origine irlandaise, diplômé de peinture et sculpture, Duke vit en partie de tatouages et pourrait être qualifié de héros conceptuel si ses projets n'avaient une fantaisie, et même une loufoquerie, qui échappe à cet austère qualificatif. Sa mission paraît être de réaliser des opérations impensables et infaisables pour souligner l'absurdité, mais aussi les possibilités du monde dans lequel nous devons vivre. Toutes sont liées à la mer, à la guerre et aux frontières. Toutes sont des manifestations incongrues de liberté. Ce sont les aventures du capitaine Duke. La dernière s'appelle «Projet de commerce avec l'ennemi».

Il y a quelque temps, Duke a acheminé vingt-trois pigeons vers La Havane, pour qu'ils rentrent en volant de Cuba à Key West (Floride