Roberto Otero, auteur d'un Forever Picasso en 1975, rend visite au peintre, le 8 janvier 1968 : «Pablo, comment vont les mousquetaires ? - Ils sont finis. - Et les nus ? - Ils sont finis aussi. Je fais seulement des lanciers maintenant. Des lanciers du Bengale.» Comme quoi, et contre tout ce qu'on sait de lui, Picasso aurait regardé la télé, car quelques jours auparavant, le film de Hathaway (les Trois Lanciers du Bengale, 1935) était repassé sur les écrans, d'où cette subite lubie de lanciers.
C'est à une curieuse mais passionnante recherche - à la suite de Brigitte Baer - que s'est livrée Laurence Madeline, conservatrice en chef aux musées d'art et d'histoire de Genève, et dont le fruit est livré dans une expo intitulée «Picasso devant la télé». Il s'agit de repérer dans l'œuvre du dernier Picasso, surtout dans les gravures de Suite 347 (1968), ce qui a pu être inspiré par sa fréquentation de la télévision.
Les témoignages de son petit-fils Bernard et d'Otero concordent. Le premier raconte qu'à Mougins (Alpes-Maritimes), où il recevait les deux chaînes nationales et TMC, le génie faisait taire tout le monde pour des programmes de sport («du catch par exemple») ; et le second se rappelle qu'il regardait les journaux télévisés au cours des événements de Mai 68. Pourtant, les actualités ne semblent pas affleurer dans sa production, pas plus que les deux succès de l'année, les Shadoks et Belphégor.