Que peut-on voir dans les tableaux de Sigmar Polke, tels qu'exposés jusqu'à début février à Grenoble? Un déni de la couleur (profondeur, lumière) par le trait, et vice-versa. Une sorte de contrariété intrinsèque élevée au rang d'ironie vitale. Par exemple dans Leonardo (1984), laque sur toile haute de 2 mètres. On perçoit, sous un embrouillamini de coulures qui forment une sorte de test de Rorschach, le visage de Léonard de Vinci tel que lui-même nous l'a laissé, autoportrait vieux et barbu archiconnu, objet kitsch de cartes postales et de pubs pour école de marketing. Mais très peu : on le distingue à peine.
Dans le quart supérieur gauche, une sorte d'autre visage inversé, lunaire, fronçeur, prend place dans la sphère du crâne à la faveur de taches hasardeuses, translucides. Leonardo est en outre parcouru de vastes demi-cercles, dans une sorte de fausse symétrie rouge, bleu, jaune et vert - et, puisqu'on parle de Rorschach, on y voit encore une ronde de Schtroumpfs chapeautés et bras en l'air, un sous-bock géant marqué d'empreinte de verres. Ou pas. Et, en s'approchant, de la matière grattée, gaufrée, griffée. Des résidus ou des traces : geste humain ou vie secrète du pigment inerte ? La main a envie de plonger dans les craquelures de Bonnet de nuit I (1986), paysage d'orage piqué à Giorgione et peut-être abandonné sous un évier qui fuit. On pense à la peinture en deux dimensions du symboliste Gustave Moreau, vérité toute à la surface, dénuée d'arr