A 18 heures, au 58, boulevard Lefebvre, dans le XVe arrondissement de Paris, vendredi 10 janvier. Une petite foule, qui prendra une proportion critique au cours de la soirée, est agglutinée devant le bâtiment de briques rouges en travaux, attendant l'ouverture des portes. «Merci de ne pas faire pipi contre les murs, il n'y a pas de toilettes en bas, il faut remonter au -1», plaisante une responsable du lieu où se déroule l'exposition : un abri antiatomique situé à 26 mètres sous terre.
Construit en 1949 dans un vide de carrière sous le laboratoire central des Ponts et Chaussées et classé secret-défense jusqu'en 1982, il est abandonné l'année suivante. Deux longs escaliers de béton à double révolution plongent dans le sous-sol, éclairés à l'aide d'un puissant groupe électrogène. Les murs recouverts de tags rappellent que si elle est peu connue du grand public, l'adresse fut pendant longtemps un terrain de jeu pour les cataphiles et explorateurs urbains. Telle la vidéaste Raphaëlle Uriewicz, initiatrice de l'exposition avec Alexandre Réty, qui se déploie dans les 1 500 m2 du terrier, transformé en galerie d'art numérique éphémère. Les artistes et musiciens ont investi les vingt-six alcôves alignées le long d'un couloir étroit, illuminé par les projections et installations. Une bobine Tesla déchire la pénombre d'arcs électriques stridents. Les visiteurs, hilares, se livrent à un étrange cérémonial devant une t