Ricanant langue dehors, main trouée d'un stigmate christique, chemise kaki, kippa, oreilles d'homme et d'âne, le Personnage sur l'affiche de l'expo «La Ménagerie humaine», au Musée d'art et d'histoire du judaïsme, à Paris, annonce la couleur : celle sang et noir, jaune et verte, criarde, hurlante du peintre juif Maryan, Polonais torturé par la Shoah. Nul besoin d'autres clés : sa peinture «n'est pas une autobiographie» mais une «peinture-vérité», revendiquait-il, brut de mots. Une translation, au sens mathématique : déplacer d'un lieu à un autre - de l'homme à la toile - un objet, en l'occurrence, une douleur de colère, d'angoisse et de désespoir, indicibles. La projection est violente. Dans le silence du musée, on en entend le choc, répété, comme un tir sur une cible encore ratée, comme une tirade éructée.
La guerre et le théâtre : les deux mondes se fondent en une farce grotesque où défilent ces Personnage - titre de nombre d'œuvres - choisis par Nathalie Hazan-Brunet, commissaire de cette exposition dédiée aux années 60-70, les dernières et les plus fécondes. Voilà une galerie de chimères. Homme-mitraillette, homme-robot. Homme-chien face au chien-homme : c'est Balak, le gentil toutou inventé par le Nobel Agnon, devenu féroce après qu'on lui a peint sur le dos «chien fou» et que le monde, apeuré, lui jette des pierres ; à moins que ce ne soit le cabot des nazis.
Victime, bourreau, la ligne est confuse, sa traversée hante