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Doré en tranches

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Sombrement romantique ou cynique, l’univers de l’illustrateur et peintre occupe un dédale de salles à Orsay.
«Entre ciel et terre», 1862, de Gustave Doré. (Photo Musee d'Art et d'Histoire, Belfort, Giraudon TheBridgeman Art Library)
publié le 10 mars 2014 à 17h06

C'est Théophile Gautier, entre autres, qui l'a dit : «Qu'il crayonne un homme, un arbre, une maison, Gustave Doré sait y mettre un accent supernaturel, ironique et formidable. Tout ce qu'il fait a nous ne savons quoi de touffu, de fourmillant, de monstrueux, de chaotique, pour ainsi dire, où l'on sent confusément à travers un tumulte d'ombres et de lumières se débrouiller des mondes inconnus.» C'est en 1857, sous le Second Empire. L'imaginaire n'est pas au pouvoir. Doré a 25 ans. Enfant prodige né dans l'Ain, acrobate amateur, c'est un génial et omnivore pisse-copie, le Joann Sfar de l'époque. Il a le pinceau branché sur l'estomac et il bouffe. Il a déjà tout dessiné, caricaturé, illustré, tout peint. Il va continuer. Don Quichotte, la Fontaine, Perrault, Rabelais et l'Enfer de Dante, bien sûr, mais aussi Balzac, Tennyson, Milton, Coleridge, la Bible et, en 1882, juste avant sa mort par apoplexie, le Corbeau, d'Edgar Poe - comme quoi la littérature est aussi la chronique d'une mort annoncée.

Pâmoisons. Se penchant sur ses dessins de jeunesse, une visiteuse dit à haute voix à son amie : «Marie-Noëlle a raison. Ce mec, il a tout fait ! Trop fort ! C'est presque écœurant !» Oui, écœurant. De la meringue un peu trop envahissante, sucrée, débordant du moule à voir, à grimacer et à rêver. Un seul monstre échappe au monstre, à deux dessins près : Victor Hugo - comme si l'ego de l'un ne pouvait entrer