«Suivre les pneus», nous enjoint le panneau de carton placé dans le hall du Palais de Tokyo. Suivre l'odeur de caoutchouc, aurait-on aussi bien pu y lire, tant le parcours de «Flamme éternelle», dernier projet de l'artiste suisse Thomas Hirschhorn, né en 1957, qui se déploie sur 2000 m2 dans le ventre du bâtiment parisien, commence par être olfactif avant d'être visuel : le gras du caoutchouc, mêlé à l'âcre du combustible des deux feux qui brûleront les cinquante-deux jours que durera l'intervention.
En descendant les marches, on découvre un décor de squat monumental, d'immenses banderoles tendues d'un pilier de béton à un autre, portant des citations tronquées (lire page 23), au-dessus d'empilements de pneus (en tout, 15 000), de panneaux de carton, de blocs de polystyrène tagués. Une version de l'apocalypse d'une imparable efficacité visuelle, plus bordélique et plus évidemment politique que celle envisagée par le photographe Hiroshi Sugimoto, à quelques mètres de là, dans l'expo «Aujourd'hui, le monde est mort». Mais là où l'installation du Japonais met en scène la clôture d'un monde (lire Libération du 25 avril), «Flamme éternelle» multiplie au contraire les parcours et les possibles. Dans le meilleur des cas, une intervention de Hirschhorn amène toujours à reconsidérer notre rapport à l'institution, au collectif, à ce