La commissaire indépendante Stéphanie Moisdon, née en 1967, se fait remarquer en 2000 avec l’exposition «Présumés innocents» au CAPC de Bordeaux, qui revient sur les liens entre art contemporain et enfance et heurte la sensibilité de quelques calotins. Rien susceptible de choquer cette fois dans sa «Décennie», sinon nos rides, mais quelques questions sur les bornes et les raisons.
Qu’avez-vous gardé des années 90 ?
C’est une exposition de vrais-faux souvenirs. Elle pose la question critique de la subjectivité ou du sujet. C’est quoi, partir d’un groupe ou d’une époque qui est le sien, la sienne, quels sont les outils qui nous permettent d’en écrire l’histoire ? Est-ce que cette subjectivité est suffisante, légitime ? Il fallait reposer ces questions qui étaient au cœur des années 90 avec un peu d’humour. Qu’est-ce qui définit le «nous» quand on est en pleine crise du collectif ? L’exposition est traversée par les fins de récits, mais aussi le début, de la mondialisation, d’Internet. Et c’est la décennie d’une jeunesse qui commence sa sexualité avec le sida. La question du militantisme, ruinée à l’époque, est réactivée par la maladie, mais avec la méfiance qu’on avait contre les dogmatismes.
En tant qu’actrice de cette époque, que défendiez-vous, contre quoi luttiez-vous ?
En 1990 je rentre au centre Pompidou, pour une exposition qui s’appelle «Passages de l’image». J’y resterai sept ans. Je faisais mon mémoire de sémiologie avec un des commissaires, Raymond Bellour. Mon sujet était précisément cet état de coexistence entre les catégories, entre les images, cette transversalité des différents