«Monsieur Frago qui se trompe de porte et tombe dans un endroit où il n'y avait point de chaise percé et se fait un entorse cruel à huit heures et demie en deux seconde.» Ainsi Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) conte-t-il un accident survenu quand il s'est trompé de porte en cherchant les toilettes d'une salle de théâtre. A Grasse, le musée Fragonard expose six dessins tracés en quelques traits magistraux, à la pierre noire, pour conter sa mésaventure. Par endroits, le dessinateur repasse à la plume pour préciser une boucle de cheveux, les plis d'une manche ou les rondes oreilles dont il s'affuble en convalescent marri. Ou encore pour ajouter des légendes drolatiques, aux charmes d'une orthographe imprécise.
Réapparue aux enchères à Pau l'an dernier, cette série a été acquise par la famille Costa, propriétaire de la parfumerie qui a repris le nom de Fragonard. Elle est aussi réjouissante qu'exceptionnelle. Le comique est un art fort peu pratiqué dans les beaux-arts, et les contes autobiographiques sont tout aussi rares, nous rappelle le spécialiste du dessin Nicolas Schwed, pour lequel cet exemple «souligne l'humour et la bonhomie de l'artiste». Dans cette BD avant l'heure, le peintre met en scène les membres de sa famille et du cercle des Bergeret. Il s'est réconcilié avec le fils de ce grand seigneur, qui avait été son principal mécène. Avant leur fâcherie, le père ne tarissait pas d'éloges à propos de cet «excellent peintre» qui s'était montré un