«La rame va partir, tenez-vous à distance des portes», dit le fameux message enregistré en anglais, juste avant que les wagons ne se referment. Puis le métro s'ébranle dans un hoquet, quitte la 42e Rue de Manhattan et file sous l'East River en direction de Flatbush. L'atelier de Matthew Barney n'est pas si loin et, bien que situé à Long Island City, fait face à l'immeuble des Nations unies lorsque les chalutiers qui passent ne bouchent pas la vue. En sortant à l'angle de Vernon Boulevard et Jackson Avenue, on est déjà sous l'emprise de la libre association, sans laquelle on ne saurait comprendre certaines œuvres d'art et plus encore celles de Matthew Barney. N'est-il pas étrange qu'il faille emprunter la ligne 7 pour le rencontrer, comme les sept jours de la création du monde et les sept années nécessaires à la réalisation de River of Fundament, son opus magnum ? Est-il anodin que la ligne 7 soit mauve quand cette couleur est, selon les normes françaises, dévolue aux tuyauteries transportant les fluides corrosifs, acides et basiques ?
La question des fluides, du sperme toxique du dieu Seth, des déjections envahissantes, et de leur transport, est au cœur de River of Fundament, ovni abrasif infusé de poésie beat. Dévoilé en février à la Brooklyn Academy of Music, ce film-monde de six heures a déjà fait le tour des capitales et été présenté au Staatsoper de Munich, à l'English National Opera et aux Wiener Festwochen de Vienne comme s'il s'ag