Au moment de la rétrospective Koons du Whitney Museum, le critique Jed Perl a publié dans la prestigieuse New York Review of Books une tribune au vitriol, «The Cult of Jeff Koons». Il revient pour nous sur ce que la Koonsmania révèle des évolutions de la critique d'art.
L’expo Koons du Whitney n’a eu que des recensions élogieuses. Cela vous a surpris ?
L'unanimité chez les grandes signatures du New York Times, du New Yorker et de New York Magazine m'a surpris, oui. Car je pense qu'il y a, dans le monde de l'art, parmi les artistes, chez certains commissaires, voire, en off, chez certains conservateurs de musées, une exaspération grandissante vis-à-vis du pouvoir du marché, des foires, de ces grandes galeries qui donnent désormais le «la» des manifestations. Mais cette exaspération ne se fait jamais jour dans la presse mainstream.
La critique se sent-elle obligée de légitimer les choix et succès du marché ? Ou est-ce dû à la peur de sembler réactionnaire ?
Non, les critiques savent qu’ils n’ont plus le pouvoir de légitimer quoi que ce soit, ni d’influencer les goûts. Peut-être ont-ils le sentiment d’avoir perdu cette bataille, et qu’il est de leur devoir de s’intéresser au phénomène mondial, d’avoir quelque chose à dire dessus, puisque c’est là, et qu’on ne peut y échapper. Le «phénomène Koons» deviendrait alors ce qu’il y a de fascinant… En quoi, on ne sait pas trop. Paradoxalement, la même presse se rend aussi dans des petites galeries pour évaluer le travail d’artistes moins connus, mais c’est comme s’il existait deux univers de discours, et que le même vocabulaire, les mêmes modes d’appréhension ne s’appliquaient pas aux deux. Dans le ca