Menu
Libération

Le peintre français Philippe Perrot est mort

Méconnu en France, très apprécié aux Etats-Unis, il s'est obsédé toute sa courte vie des secrets et traumas familiaux. Sa mort à 48 ans laisse une œuvre rare et torturée
Une œuvre de Philippe Perrot à l'ouverture d'une exposition au Grand Palais en avril 2009. (Photo Guillaume Clément. AFP)
publié le 27 septembre 2015 à 12h52

Il était à la fois l'un des peintres français les plus discrets et l'un des plus reconnus à l'étranger. Philippe Perrot est mort des suites d'un cancer, mercredi dernier à Paris, à l'âge de 48 ans. L'homme peignait très peu, «pas plus de trois, quatre tableaux par an, compte son galeriste parisien Olivier Antoine, qui travaillait avec lui depuis 1998 si bien que «l'œuvre se réduit à 110 toiles et quelques dessins». Shortlisté au prix Marcel-Duchamp en 2009, il manqua, quelques jours avant le vernissage, tout annuler car rien n'était fini. Il n'y accrocha finalement qu'un seul et unique tableau qu'il gardait depuis des années au-dessus de son lit.

Pourtant depuis 2003, et une exposition à la Wrong Gallery de Maurizio Cattelan (un fan) à New York, sa réputation aux Etats-Unis était immense et ses prestigeux collectionneurs impatients d'en avoir plus. François Pinault en a ensuite acquis quelques-uns et les a montrés à la Pointe de la Douane, à Venise, en 2007. «Mis sous pression, ça a été pire pour Philippe», pense Olivier Antoine. La douleur de peindre était apparemment trop vive pour cet autodidcate, passé par des études de cinéma, qui débuta dans les salles d'exposition en 1991 par le centre d'art de Brétigny-sur-Orge, dirigé à l'époque par Xavier Franceschi, actuel directeur du Frac Île-de-France et qui se souvient avoir reçu le dossier de cet inconnu et de l'avoir rappelé, «ce qui ne m'était jamais arrivé».

La cause de cette fascination : des tableaux au fond jaune souffre mettant en scène des nuées de personnages flottants et malingres, malades de devoir se côtoyer dans des limites étroites, qui sont celles aussi du cercle familial, plein à ras bord de secrets honteux qui finissent par surgir au grand jour. Sa peinture ausculte et creuse jusqu'aux entrailles des sujets placés dans des positions crues : «ce côté sanglant, ces plaies, cette chair qui souvent déborde, se liquéfie et envahit le tableau», confia-t-il dans un de ses rares entretiens, «est un aspect qui correspond bien à ce que j'entreprends […] : j'ouvre la plaie, je charcute, gaiement, dans ce qui ne se dit pas de l'histoire familiale». Dans un geste quasiment palliatif, l'artiste imbibait ses personnages d'éosine ou de bétadine, des antiseptiques qui finissent ici par se répandre en fines dégoulinures reliant les personnages entre eux, comme un cordon ombilical. L'artiste, mis à part peut-être à la Force de l'art en 2007, n'a eu droit de son vivant à aucune exposition institutionnelle d'envergure.