Ce sont de pauvres choses abandonnées sur le bitume : un ruban rouge venant d'un sac-poubelle, des morceaux de scotch ou des mégots, tous photographiés pour leur forme sur le sol. A y regarder de plus près, ces déchets dessinent des lettres. «Je furète», explique Paul Pouvreau, né en 1956 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Sur un mur de la galerie de Vitry-sur-Seine, difficile à trouver et installée dans des anciens bains-douches, ces objets de rien mis bout à bout forment le début d'un alphabet, fragments d'une poésie urbaine. Récemment, il a récupéré des emballages du quotidien pour en faire de drôles de villes qu'il a photographiées et tirées au format d'un panneau publicitaire. Econome de moyen, il bricole et détourne avec sensibilité des objets hors d'usage. Comme ces prospectus de promotions de supermarché sur lesquels il dessine au stylo quatre couleurs : les photos insignifiantes de saucisses, tomates et concombres surgissent détourées par le dessin.
Sur un autre mur, il a plaqué le papier peint noir et blanc d'une forêt de sacs plastiques. Certains sont imprimés d'herbes hautes ou de coquelicots. Par-dessus, il a posé des tirages en couleur de photos d'arbres, observés à proximité des centres commerciaux. Tellement factices que ce sont eux qui paraissent en plastique. Le contraste est subtil, mais «c'est surtout un dialogue, un jeu de surface. Dans notre quotidien, les choses sont agencées comme des artifices et la photographie joue de cela», explique le photographe qui enseigne à l'Ecole nationale supérieure de photographie d'Arles. «Mon travail n'est pas revendicatif. L'utilisation de déchets dans l'art existe depuis longtemps. Pour moi, ce sont des témoignages. D'autant que les sacs plastiques vont disparaître.»