L’artiste Annette Messager est exposée au Musée des beaux-arts et à la Cité de la dentelle et de la mode de Calais, sa première vaste exposition depuis une trentaine d’années dans la région, où elle est née en 1943.
Faire de l’art contemporain à Calais en ce moment, quel sens cela prend-il ?
J’ai beaucoup hésité. Pour moi, cela a une dimension personnelle très forte. Je viens de Berck-sur-Mer, juste à côté. Mais au-delà de mon cas, la question se pose pour tout artiste : comment faire de l’art à Calais ? Que dire, que faire, que montrer face à ce naufrage ? En préparant l’exposition, je voyais des scènes de rue qui me rappelaient l’épuisement qu’on peut voir en Inde. Se sont ajoutées d’autres questions : est-ce que je dois parler frontalement des migrants ?
Comment répondre ?
Je suis plasticienne et c’est par mon travail que je peux traiter des sujets. Au Musée des beaux-arts, les 700 traversins empilés et affalés dans une salle, ou bien les ballons dégonflés en forme de globes, comme un signe de notre planète qui s’essouffle, voilà ma réponse : faire rentrer dans le musée l’accablement du monde. Exposer à New York, c’est facile. A Calais, non. Et c’est justement ici que la culture est la plus nécessaire. Depuis l’enfance, j’ai une adoration particulière pour les Bourgeois de Calais de Rodin. Ils portent de longues chemises de condamnés, n’osent se regarder, vont vers la mort. Je ne peux pas ne pas voir dans leur désespoir, leur enfermement dans la solitude, un écho direct à la situation actuelle.