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Critique

Art / Julia Wachtel, collage immédiat

A Dijon, l’artiste new-yorkaise juxtapose des photos dénichées sur le Net à des créatures graphiques, et déconstruit avec humour le fourre-tout de l’imagerie contemporaine.
Les créations de Julia Wachtel évoquent Roger Rabbit, le film qui fit tomber des toons au milieu des humains. (Photo E. Frossard)
publié le 11 mars 2016 à 18h41

Dans la catégorie, pas très peuplée, des tableaux contemporains comiques et sensés, ceux de Julia Wachter se posent là (au Consortium à Dijon, dans le cadre d'une exposition collective où ils ont, comme les autres, leur propre salle). De quoi rit-on ? De deux fois rien. De la juxtaposition d'une girafe croquignole et bosseuse (boîte à outils dans une main et marteau dans l'autre) et d'un rappeur tapageur occupant bruyamment le panneau d'à-côté. Ou encore de ce moutard qui se mouche quand le reste du polyptyque est occupé par l'image sérigraphiée d'un wing diver (ces parachutistes sans parachute). D'une œuvre à l'autre, la rhétorique reste la même : allier le trait grotesque de personnages dessinés à des photographies choisies sur Internet. Soit un truc à la Roger Rabbit, le film qui fit tomber des toons au milieu du monde des humains. Chez Wachtel, ceux-là sont saisis en train de faire leur show, du divertissement, de la politique ou des sports extrêmes, le casting incluant, par exemple, Psy (Gangnam Style), Kim Jong-il, Hillary Clinton ou, donc, un wing diver.

A côté de cette ribambelle d'excités, les figurines de comics paraissent au mieux perplexes et sidérés, mais plus souvent à bout de nerfs, les yeux mangés par des cernes de 3 kilomètres. La société du spectacle leur tape sur le système. D'autant que, dans les tableaux, les humains sont bruyamment mis en scène à coups de recadrage, de dédoublement et d'effets spéciaux chromatiques. Une pratique de canalisation, de tri et de découpe des images médiatiques qui remonte au seuil des années 80 et à la Pictures Generation des Cindy Sherman, Richard Prince et compagnie.

Mais la raison pour laquelle le travail de la New-Yorkaise, 60 ans cette année, recommence à taper dans l'œil tient sans doute à ce qu'il offre un tableau drôle et simple d'Internet, du haut débit d'images, de célébrités, de divertissement, de kifs qui défilent sur les écrans. Loin des œuvres compliquées de la génération (encore ni très mûre ni très sûre) des digital natives mettant en abîme les outils numériques pour les déconstruire, Julia Wachtel laisse faire les toons. Maladroits, paniqués, agacés, désespérés, ils font tâche dans le système et dans le tableau. A l'image de cet autre : un cadre moyen, pataud, à quatre pattes, armé d'une lampe torche, cerné de part et d'autre par deux panneaux sérigraphiés de volumineuses et blafardes rangées d'armoires numériques.