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Libération
Interview

Xavier Veilhan «La beauté de son exosquelette brut et vide durant les travaux de rénovation» Valérie Mréjen «Je me souviens d’Avoir vu interpréter en direct l’«Ursonate» de Kurt Schwitters» Saâdane Afif «L’architecture du Centre était comme l’excroissance de l’espace de la rue»

publié le 12 février 2017 à 18h06

«Je devais avoir 11, 12 ans. J’habitais à Blois et je venais un week-end par mois à Paris. Je dormais sur le divan de ma tante, psychanalyste à Ménilmontant. Je prenais la ligne 11 à Télégraphe et je m’arrêtais à Rambuteau avant de filer au Centre. C’était avant les attentats de 1986. L’architecture de Pompidou était alors l’excroissance de l’espace de la rue. A l’époque on pouvait rentrer partout, par la chenille, par l’arrière, par la Piazza. Ça fonctionnait à plein tube. Tu traversais même le bâtiment juste pour passer de l’autre côté. Je grimpais dans les étages, c’était gratuit. Quand j’ai eu 15 ans, je connaissais les collections par cœur. Pourtant, à cet âge, je n’avais toujours pas décidé de devenir artiste.»

«En 2000, le Centre rouvrait après deux ans de fermeture pour travaux. J'ai pu le visiter quelques semaines avant que les revêtements, les cloisons, le mobilier soient remis en place. Il n'y avait rien d'autre que son espèce d'exosquelette. Au cinquième étage, le béton au sol portait des traces rondes [du ragréage, ndlr] qui se reflétaient sur les vitres et se confondaient avec le ciel bleu au dehors. Je me souviens avoir dit à la conservatrice, Catherine Grenier, qui me faisait la visite, que le problème pour les artistes, c'est qu'ils n'auraient jamais les musées à leur disposition quand ceux-là étaient les plus beaux, ainsi vidés et laissés bruts.»

Xavier Veilhan présentera son «Merzbau musical» au Pavillon français de la prochaine Biennale de Venise.

«L'excitation qui régnait lors de l'ouverture du premier Nouveau Festival, où étaient notamment présentées des danses auvergnates en costumes traditionnels. Le catalogue de l'exposition «le Siècle de Kafka» sur une étagère chez ma mère, une exposition dont je ne sais plus si je l'ai vue. Avoir vu interpréter en direct l'Ursonate de Kurt Schwitters à l'occasion d'une soirée Merz. Etre allée voir Disabled Theater de Jérôme Bel avec ma fille d'1 mois et demi dans son porte-bébé, en me mettant au premier rang, près de la sortie, afin de pouvoir m'éclipser en cas de pleurs. De fait, elle a dormi, mais au moindre soupir j'étais prête à bondir. Mes voisins, compréhensifs et rassurants, m'ont dit : "Ce n'est pas pire que les quintes de toux, restez." Un génial diaporama d'Alain Jaubert à partir de titres de faits divers découpés dans les journaux.»

Valérie Mréjen, écrivaine et vidéaste. Dernier livre paru : Troisième Personne (P.O.L)