L'Occitanie a fêté Othoniel tout l'été. Maintenant qu'il finit, dernière ligne droite pour voir deux expositions héraultaises consacrées à l'artiste sculpteur de verre. Si le Carré Sainte-Anne, à Montpellier, montre ses premières expériences avec le matériau translucide - dont le Contrepet (1992), pièce inaugurale en obsidienne qui l'a conduit à travailler le verre -, le Centre régional d'art contemporain (Crac) de Sète regorge d'œuvres récentes et monumentales. Dans les volumes géométriques et hauts de plafond du Crac, lévitent des colliers de grosses perles comme dans une boîte à bijoux en apesanteur. Sortes de chaînes moléculaires serpentines - jaunes, noires, roses, argentés, bleus… -, de tubes digestifs déployés et luisants ou de bracelets pour géants des mers, ces sculptures mobiles, visiblement très lourdes mais retenues par des fils invisibles, portent des noms d'ouragan (Tornado, Black Tornado…).
Ainsi à Sète, Jean-Michel Othoniel, dieu des mers et des vents, déjoue les lois de la gravitation et déchaîne les éléments. Un tsunami - 15 mètres de haut - composé de milliers de briques de verres avale le visiteur dès la première salle. Noir aux reflets dorés, l'inquiétant rouleau tangue au dessus des têtes et menace de tout engloutir. Réchauffement climatique ? Montée des océans ? Si The Big Wave évoque l'estampe du japonais Hokusai, elle est aussi un clin d'œil à la Grande Vague, marine photographique de Gustave Le Gray réalisée à Sète en 1857.
Plus loin, de mystérieux cailloux noirs sont posés sur des socles. Ce sont des blocs d'obsidienne - du verre naturel produit par les volcans - dénichés en Arménie. Excessivement fragiles et pesant chacun plusieurs centaines de kilos, ils campent des autoportraits de l'artiste (Invisibility Face, 2015) et racontent son histoire, lui qui en est venu à sculpter le verre après avoir découvert cette substantifique matière. Après deux ans de recherches pour la reproduire artificiellement en faisant fondre la pierre ponce, il l'abandonne pendant vingt ans pour mieux la retrouver aujourd'hui. Signalons que les Incas l'utilisaient déjà comme miroir. Au premier étage, 112 dessins et aquarelles, retracent son parcours et la genèse de ses œuvres. On y découvre le tombeau de Jean Lafont, collectionneur de Camargue qui lui avait commandé sa tombe vingt ans avant de mourir. Cette requête inhabituelle a conduit l'artiste à imaginer sa propre sépulture. Elle ressemble étrangement au Kiosque des noctambules, la bouche du métro Palais-Royal, réalisée par l'artiste et bien connue des Parisiens. Pour l'heure, le tombeau, est encore à l'état d'esquisse et, selon nos informations, pas encore réalisé.