Comment peindre la paresse et la mollesse, des corps alanguis, des personnes qui se renfrognent, des boudeurs, des rêveurs, des jeunes filles qui cachent leur visage derrière une frange trop longue ou qui se détournent de vous, sans que ces sujets-là, leur indolence et leur inconsistance, ne contaminent vos toiles, vos expositions, et jusqu’à votre réputation, en vous faisant passer pour une artiste mollassonne et inoffensive, ne faisant de mal à personne ? Si, après quelques années passées loin des cimaises, Françoise Pétrovitch, née en 1964, fait un come-back à la faveur d’une exposition à la galerie Semiose à Paris, c’est donc qu’elle a trouvé la réponse et la parade. Même pas. Elle n’a pas changé. Mais elle est mieux entourée : ses toiles, éloges romantiques d’une irrésolution adolescente, en rappellent d’autres (celles de Kaye Donachie, exposées l’été dernier au Plateau, ou de Sophie von Hellermann) fort courues hors de l’Hexagone. En France, la peinture appartenait à ceux qui se - et lui - faisaient mal. Résultat : des gribouilles forcenés et virils, se consacrant libres et figuratifs sous la bannière de la figuration libre, prirent toute la place dans les années 80, et rassasièrent jusqu’à plus soif les amateurs potentiels. Après eux, rien ne parut assez vigoureux, couillu, jubilatoire. Table rase sur les toiles.
Passé ce traumatisme, profitant de cette accalmie, on peut revoir Pétrovitch, artiste du trait fluide qui caresse un profil d’un pinceau léger et vague préférant lui laisser toute la place et le loisir de s’enfuir. Un bon de sortie accordée à l’image dont profite aussitôt la peinture elle-même : une fois que la figure a pris la poudre d’escampette, que ses traits se sont estompés grâce au travail de la couleur, que les lignes deviennent paresseuses, la toile folâtre au lieu de cadrer quelque objet que ce soit. Deux ou trois œuvres de la série «Nocturne» enfoncent le clou : plutôt que de dépeindre leur motif avec précision (un bouquet orangé, une main violacée), elles en réverbèrent l’éclat dans une forme lumineuse mais vague et ombrageuse.