Menu
Libération
Critique

Van der Meulen et Zarka, points de fuite et contrepoints

Réunies à Nogent-sur-Marne, les toiles du premier côtoient les sculptures du second. Deux démarches géométriques qui explorent les équilibres, en quête d’un même horizon.
Vue de l'exposition «Fables, Formes, Figures». (Photo Aurélien Mole)
publié le 8 avril 2018 à 17h06

Une expo à deux est un casse-tête pour le spectateur. Car dès lors que les deux artistes réunis, comme ici Raphaël Zarka et Emmanuel Van der Meulen, se sont choisis, se connaissent depuis leurs études aux Beaux-Arts de Paris, se sont retrouvés ensemble pensionnaires à la Villa Médicis en 2012-2013, on essaie nécessairement de saisir les deux à la fois, les œuvres de l'un à travers celles de l'autre et vice-versa. D'autant qu'aucune salle n'expose les unes sans les autres, et que toutes se présentent solidairement sous un seul titre, «Fables, Formes, Figures». Que Zarka soit sculpteur et Van der Meulen peintre complique un peu le jeu des comparaisons, mais pas autant que le secret qu'ils gardent. Pas d'entretien croisé, pas de conversation révélée, pas de pitch sinon celui, vague, promettant notamment que «les œuvres participent d'un certain usage de la géométrie et de la structure, et explorent les équilibres mis en jeu…». Ce genre de choses qui n'aident pas trop, même si ce n'est pas faux : les toiles de Van der Meulen se tiennent dans des formes géométriques (carrés, rectangles, bandes parallèles), tandis que Zarka entretient une relation plastique durable avec le rhombicuboctaèdre, un polyèdre convexe à faces carrées, triangulaires et octogonales (un casse-tête en soi) dont il compile les apparitions, ici ou là, dans d'anciens traités de géométrie, dans la vitrine d'un cabinet de mathématiques de la Sorbonne, ou encore sur le littoral. Ce qui implique que Zarka conçoit la géométrie comme une sorte de véhicule spatio-temporel qu'il va carrosser et cabosser à sa guise, en marbre, en bois, parfois en verre. C'est un art du travers et de la traversée, qui croise les peintures de Van der Meulen à la surface - une surface systématiquement diaphane ou comme couverte d'une buée épaisse. Les tableaux gris, vert d'eau ou brunâtres hésitent entre la transparence et l'obstacle. Les coups de pinceaux allant dans le même sens opposent à l'œil comme une palissade, que les teintes tendent pourtant à rendre poreuse, pénétrable, traversable. Si bien que, plutôt que de se croiser, les œuvres de chacun des deux artistes se longent et se contemplent comme des parallèles filant vers un horizon commun qui pourrait bien ressembler à «l'horizon fabuleux» tel que l'historien de la littérature Michel Collot l'entend quand il explique que tout paysage perçu se double d'un paysage imaginaire.