Ernst Caramelle a posé ses pinceaux dans un genre un peu maniaque de la peinture, celui de l’exposition de tableaux dans le tableau. Ses gouaches ou ses aquarelles (plus rarement des acryliques) mettent en scène, sur des formats réduits de papier ou de carton, des shows dans lesquels les œuvres se répartissent les murs d’espaces muséaux.
Au Mumok de Vienne, où l’artiste autrichien, né en 1952, joue à domicile, ses vues d’expos fictives paraissent d’autant plus convaincantes qu’elles semblent mettre en abyme sa rétrospective, sommairement intitulée «A Résumé». Les œuvres sont construites selon les règles classiques de la perspective qui créent l’illusion qu’on peut aisément avancer dans l’espace reproduit et dans son enfilade de salles jusqu’à la dernière, où se distingue soit la silhouette d’une pièce maîtresse, une sculpture sur socle protégée d’un cordon de sécurité, soit l’entrebâillement d’une porte, menant, suppose-t-on, à une autre section de cette «expo bis» à l’architecture fuyante et au contenu schématique.
Ce qui compte donc ici, c’est que le tableau se projette déjà comme objet exposé et surtout pas solitaire. Il sait qu’il y en aura d’autres près de lui et qu’en outre, il devra composer avec une architecture, des angles, des lignes de fuite, des éclairages, avec tout un monde dont il ne peut s’abstraire. Il sait qu’il ne sera jamais seul et que le dessein de la peinture de figurer ou d’enclore dans les limites de son cadre un univers à part n’est plus jouable. C’est donc une peinture prévoyante et partageuse qui sait où elle finira - sur le mur blanc des espaces d’expo contemporains et que c’est là une bien triste fin à laquelle il faut résister, voyant plus large et plus loin. Chaque œuvre dépeint donc une possible exposition, un accrochage qui vient mettre en abyme celui où elle se tient.
A Vienne, Caramelle ouvre une chausse-trappe de plus en traçant, sur une cimaise, l’ombre légère d’une fausse porte : une peinture murale sur le mur du fond qui rappelle les fresques en trompe-l’œil de la Renaissance et qui redit, à ceux qui n’en croient pas leurs yeux, que la peinture, abstraite et géométrique, peut être spectaculairement d’ici et d’hier.