La Techno Parade briguerait un alibi arty, qu'elle n'aurait qu'à convier Bill Vorn, marquis des arts robotiques empruntant ici les voies d'une ronde futuriste adaptée aux normes récréatives de Nuit blanche. Une première pour le plasticien québécois, habitué à présenter ses œuvres dans des lieux fermés, voire plus conventionnels. Ainsi, après Trieste, en Italie, et Gwangju, en Corée du Sud, la fine équipe de son Copacabana Machine Sex poursuit-elle sa tournée mondiale. Sur scène se trémoussent neuf robots dans une ambiance clubbing respectant scrupuleusement les codes du genre (fumigènes, boules à facettes et têtes de mort pour la caution cheap de la déco). Par la force des choses, les gestes sont saccadés, voire un brin martiaux (quand bien même on cherchera à tirer le meilleur des actionneurs pneumatiques). Mais le cœur y est. C'est du moins ce que veut croire le Montréalais, qui souhaite apporter à ses créatures une touche d'humanité susceptible de chahuter les préjugés : «Les robots renvoient à la sphère industrielle et on les associe en général à des perspectives négatives, plus ou moins liées à une quelconque forme de fin du monde. Pourtant, jusqu'à nouvel ordre, ces créatures ne font rien d'autre que ce à quoi on choisit de les destiner. Or, pour moi, elles n'alimentent pas la SF mais appartiennent bien au présent et, tant qu'à les faire exister, il m'a paru intéressant de leur conférer une attitude joyeuse.» Ambiance carnaval, donc, dans un esprit «volontairement kitsch» finissant de dédramatiser ce bal désincarné, au-dessus duquel planent les ombres tutélaires de Chico MacMurtrie et Jim Whiting, autres pionniers de l'art robotique, et de Jean Tinguely.
Ayant déjà collaboré avec le metteur en scène Robert Lepage et le chorégraphe Edouard Lock, sensibles à ses installations et performances interactives, Bill Vorn n'est pas un inconnu en France puisqu'il a déjà eu l'occasion d'exposer ses œuvres à Créteil et à Enghien-les-Bains il y a quelques années. Pour Nuit blanche, le prof d'arts plastiques à l'université Concordia de Montréal - qui n'hésite pas à mettre ses étudiants à contribution quand il s'agit de créer les pièces - aurait aimé ajouter des plumes, histoire d'accentuer le clin d'œil à la tradition du cabaret. Avant de renoncer, craignant qu'elles ne tiennent pas la distance au cas où le vent aurait été de la party.