Je fais partie des artistes qui ont besoin de consommer les œuvres des autres à haute dose pour travailler plus profondément. La peinture est un jeu très ancien, on a donc beaucoup de collègues, toutes proportions gardées. Les expositions stars du moment me fatiguent : toute l’énergie qu’elles peuvent procurer se dilue dans la concentration nécessaire pour ne pas piétiner les mamies dans une ambiance de métro moite. Il m’arrive de me rabattre sur les délicieux musées de province, les couloirs vides du Louvre ou les expositions de petits maîtres inconnus, mais ma pratique de la peinture est dévorante. Elle impose un confinement que je ne pensais pas désagréable avant de constater que tout le monde s’en plaint. Reste alors mon goût quotidien pour les images haute définition de peinture sur Internet.
Une reproduction est comme le fantôme de l’objet original, certes, mais le fantôme haute définition procure plus d’expérience que celui de la remémoration des tableaux dans les catalogues papier.
Dans un musée, l’amateur de peinture savoure son approche physique vers l’objet tangible, goûte l’ensemble, puis y plonge les yeux par partie, puis par détail, jusqu’à apprécier la matière même de la surface sensuelle de la peinture, que les snobs nomment subjectile.
Roger de Piles, excellent théoricien du XVIIe siècle, écrivait déjà sur l'«effet merveilleux du tout-ensemble» et le sens de l'harmonie nécessaire au peintre pour pouvoir faire «jouir des beautés particulières qui