Quoi de commun entre l'ombre, la nuit, la misère, la houille, le mal, la magie et le regard ? Entre toutes ces choses, il y a le noir, anti-couleur qui a le pouvoir d'avaler tout le spectre de la palette, et dont le Louvre-Lens fait un fil rouge dans une majestueuse exposition thématique. Puisant son inspiration dans le bassin minier comme on plonge son pinceau dans l'encre, le musée creuse des tunnels dans les strates profondes de cette teinte pour dessiner un parcours en forme de vortex : car tout au fond du noir et dans son épaisseur, il y a la lumière, ce qu'ont bien compris les artistes qui touillent la mélasse pour mieux en faire jaillir des étincelles. Dans les bourrasques d'une toile d'Emile Breton (l'Ouragan, 1863), dans les eaux glauques d'Alexander Harrison (la Solitude, 1893), au milieu des ténèbres d'une vidéo d'Ange Leccia (Orage, 1999), face à un bronze d'Auguste Rodin (la Grande Ombre, 1904) ou à un enfant pauvre de Fernand Pelez (le Marchand de violettes, 1885), l'exposition «Soleils noirs» part de l'expérience quasi physique du noir pour arriver à son concept, avec l'abstraction. A la fin du solennel parcours, habilement thématique et chronologique, le noir contemporain se matérialise en cube, en cercle, en croix (Croix noire de Kasimir Malevitch, 1915). Il est l'essence du dessin même…
Silhouette griffue
L'oxymore «soleil noir» jette sa lumière inverse sur la poésie de Nerval («El Desdichado») jusqu'au chant trist