«Une visite différente, plus riche que dans la période habituelle, promettait Serge Lasvignes, président du centre Pompidou, le matin de sa réouverture, le 1er juillet. Créer une relation particulière entre le personnel scientifique et les visiteurs, c'est l'horizon sur lequel il faut travailler !»
Audiophones
Alors que les employés du Centre prenaient place dans l'énorme forum pour accueillir les tout premiers visiteurs avec des applaudissements nourris (lesquels visiteurs, bien qu'un peu surpris, ne semblaient pas trop intimidés par cet accueil «Club»), un groupe de six patientait au niveau - 1 pour expérimenter les modalités de cette «relation particulière», qui va notamment s'exprimer, jusqu'à la mi-août, par le biais d'une centaine de visites «coup de cœur des conservateurs» menées par les personnels scientifiques du Centre.
Les modalités sont simples : c'est gratuit avec le billet d'entrée, il suffit de réserver sur Internet, et l'on ne sait pas d'avance quelle sera la spécialité du guide. Pour l'expérience inaugurale, c'était l'énergique Christine Macel, cheffe du département Création contemporaine et prospective (et directrice du pavillon international de la 57e Biennale de Venise en 2017) qui jouait la meneuse de troupe, et distribuait les audiophones avant d'embarquer le groupe (des habitués du lieu, pour la plupart) en direction des ascenseurs. Ce fut une captivante double, voire triple visite, sur une bonne heure et demie : d'abord un teasing de l'expo «Global(e) Resistance», qui débute le 29 juillet, et dont Christine Macel est l'une des commissaires, par l'entremise de pièces déjà installées - notamment la gigantesque Rédemption de Barthélémy Toguo et les superbes broderies sur caoutchouc de Sara Ouhaddou. Puis, évidemment, un parcours des collections contemporaines du niveau 4, mené au pas de course avec les clés historiographiques afférentes - la transition hors du modernisme, et hors d'une conception de l'histoire de l'art qui ne «serait qu'une succession de mouvements», vers «une grande hétérogénéité des pratiques», avec passage en revue de l'art conceptuel, de l'arte povera et sa révolution du «pas bien fait», du hard edge, de Supports/Surfaces…
Podcasts
Mais surtout, et c'était le troisième intérêt de la visite, l'occasion d'une plongée, au détour d'une phrase ou d'une explication, dans la petite cuisine du Centre, l'occasion pour les néophytes d'en savoir un peu plus sur la politique d'acquisition (par exemple, qu'une expo en préparation permet souvent d'identifier un manque, et de tenter d'y remédier), sur les dossiers documentaires qui accompagnent toujours l'achat d'une nouvelle œuvre («Il faut qu'elles restent compréhensibles dans le futur, elles font partie du patrimoine inaliénable»), sur la nécessité des cartels et leur possible remplacement par des podcasts… Et l'occasion aussi d'assister à l'humble interrogation de la spécialiste sur un accrochage («Je ne sais pas si j'aurais mis Huguette Caland en face de Louise Bourgeois») ou sur une sculpture («Je n'ai toujours pas compris cette œuvre, Robert Gober est un artiste très étrange»), puis de recevoir sa méthode pour tenter d'y voir plus clair («Regarder de très près, s'intéresser aux matériaux, ça donne des pistes»). Bref, le partage d'un rapport passionné et informé aux œuvres, mais habité par une familiarité quotidienne qui n'est pas celle du visiteur lambda.
Visite gratuite avec le billet d'entrée jusqu'au 14 août.