Menu
Libération
Les gestes barrières (3/7)

Restez à plus d’un mètre les uns des autres

Les gestes barrières dans l'artdossier
Distanciation sociale et isolement dans la sculpture, hygiène dans la peinture... Revue d’art confiné.
«La Belle Strasbourgeoise» (1703), par Nicolas de Largillierre, musée des beaux-arts de Strasbourg. (Photo Musées de Strasbourg, M. Bertola)
publié le 31 juillet 2020 à 17h31

Elle ressemble à un émoji flèche vers le haut. Ou à un champignon. D'autres diraient à un parasol. En tout cas, le sujet du tableau ce n'est pas tant la femme («vraie Strasbourgeoise, Parisienne portant un costume ou peut-être la sœur du peintre», conjecture le musée des Beaux-Arts de Strasbourg) que son couvre-chef. Il est absolument délirant, triangle garni de dentelle noire pointé vers le haut, capuchon démesuré.

C'est le clou du spectacle de ce costume traditionnel des dames alsaciennes de la fin du XVIIe siècle. On a rarement trouvé méthode plus élégante que ce bicorne pour tenir les fâcheux - et les contagieux - à bonne distance. Accessoirement, cela peut aussi prémunir de la pluie le petit chien qu'elle tient dans les bras et qui semble - regardez ses papattes - vouloir quitter la pose.

Consultés, les collègues spécialistes sont formels : il s’agirait d’un cavalier king-charles. La légende dit que Marie-Antoinette, qui deviendra reine de France en 1774, avait le même cabot. Mais selon les forums des fans de Marie-Antoinette (oui, nous aussi on apprend qu’ils existent) rien n’est moins sûr : le quadrupède royal aurait peut-être été plutôt une sorte d’épagneul (japonais, même, nous précise une vétérinaire de Strasbourg) dont il existe une représentation en porcelaine de Sèvres (hideuse).

Reste que sous Marie-Antoinette, une chose est sûre, ce costume n'existait plus. Victime de notre bon vieux jacobinisme, il a été interdit parce que trop régional et pas assez français. Le bicorne parapluie a complètement disparu au cours du XVIIIe siècle.