Genève, 3 mars 2011, salon de l’automobile. Du haut de son stand scintillant, la Lamborghini Aventador toise crânement la Ferrari FF. Ces deux supercars italiennes, éternelles rivales, sont les vedettes incontestées du show genevois. Elles cumulent à elles deux plus de 1 200 chevaux, dépassent allègrement les 300 km/h et arrachent le 0 à 100 en moins de 4 secondes.
Véritable monstre d'acier et de chrome, la Lamborghini est à mi-chemin entre l'avion de guerre et une œuvre sculpturale de Jeff Koons. Une voiture de surhomme qui intimiderait même Batman. La Ferrari FF est, elle aussi, une mutante de l'époque. Destinée à séduire les nouveaux marchés, elle ose pour la première fois se doter de quatre roues motrices, s'offrir un hayon et un vrai coffre, et proposer l'ivresse du grand 8 à quatre passagers. Une Ferrari des familles en quelque sorte. Pourtant, sous cette débauche de superlatif, le rêve semble étrangement absent. Comme deux top models ayant abusé de la chirurgie esthétique, ce duo de charme est désincarné, figé dans un autre espace-temps. Tout y est plus que parfait, mais piégé dans la spirale du toujours plus, cette perfection apparaît vide de sens et d'émotion. Vitesse et surpuissance n'excitent désormais que les traders en mal d'émotions fortes. Face à ces colosses aux pieds d'argile, certains constructeurs prônent le retour à l'essentiel et tentent de renouer avec l'esprit pionnier de l'automobile. Tels des résistants de l'ombre, ils sont encore minoritaires, mais