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SENTEUR

Les chasseurs d’essences

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Les «sourceurs» sont les aventuriers du santal et du jasmin. Ils jonglent avec les prix en fonction des éruptions volcaniques ou des révolutions locales. Rencontre avec quelques-uns d’entre eux, qui travaillent pour les plus grands noms français.
Tige feuillue de l’herbe médicinale Pogostemon cablin, le patchouli. (Carol Sharp/Flowerphotos)
publié le 14 mars 2014 à 16h48

«Si, cette nuit, vous entendez les éléphants, surtout ne bougez pas. Restez à l'intérieur de votre tente et ils vous contourneront. Sinon, ils vous piétineront.» La première fois que les Himbas de Namibie l'ont laissé seul sous la toile de sa minuscule Quechua, Stéphane Picard n'a pas très bien dormi. Chez les Shipibos péruviens, ce sont plutôt des anacondas dont il lui a fallu se méfier. Et des crocodiles dans le nord australien, des mygales à Madagascar, du yéti au Tibet. Il a l'habitude maintenant, depuis quinze ans qu'il fait ça, chacun de ses voyages portant son lot de risques, bestioles, tourista et décalage horaire. Géographe, aventurier télé, missionnaire? Stéphane Picard est sourceur de matières premières pour la parfumerie. Son job consiste à courir partout, de préférence là où personne d'autre ne va, à la recherche de végétaux odorants pour les mettre à la disposition de ceux qui s'en servent. En effet, on n'y pense pas assez : les parfumeurs n'allant pas se fournir au magasin, d'où leur viennent les essences qui sentent bon ? Et qui donc les vend ?

Les courtiers aventuriers

«Jadis, le circuit était (assez) simple, raconte Dominique Roques, chef sourceur lui chez Firmenich, l'une des multinationales du secteur. À Grasse et alentour, les cultivateurs cultivaient rose, jasmin, tubéreuse, iris, jonquille, lavande, romarin et autre chose plaisantes. Le cousin distillateur distillait ou enfleurait, infusait. Et leurs rejetons parfumeurs composaient. Les produits d'origine