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Tribune

La digue anti-FN a cédé là où on ne s'y attendait pas

Le philosophe Jean-Claude Monod déplore que la gauche se soit désunie face à l'extrême droite.
Manifestation anti-FN, place de la République, le 1er mai 2002. (Photo Joël Robine. AFP)
publié le 3 mai 2017 à 11h29

Tristesse. Il y a un mois, je faisais un débat avec un membre du FN qui avait, dans le passé, pris la défense de l'apartheid et avec une jeune journaliste du Figaro qui expliquait avec gourmandise que les digues cédaient une à une entre la droite et l'extrême droite. L'un et l'autre ironisaient sur le «front républicain», invention du «système» et des «élites» pour se protéger de la vague «nationale» et «populaire».

Aujourd’hui, je constate que le grand parti de la droite n’a pas cédé (seul le petit Debout la France s’est couché). En revanche, deux tiers des membres consultés d’un grand mouvement de gauche ne veulent pas choisir entre Le Pen et Macron. C’est un grand pas, une victoire idéologique pour le FN, un progrès dans l’érosion et la division de ses adversaires : la gauche n’est plus unie contre lui.

La dédiabolisation a si bien fonctionné que c'est à gauche qu'on entend le plus l'idée que le front républicain serait une arnaque inventée pour perpétuer le système («néolibéral», cette fois, certains disent «capitalo-fasciste»). Même des intellectuel(le)s de gauche ami(e)s expliquent que le FN ne doit pas être considéré comme un parti d'extrême droite et n'a plus rien de fasciste, et, comme le PC allemand des années 1930, ajoutent que l'antifascisme n'est qu'un leurre pour faire que les masses votent pour le Capital. Pas tous, heureusement.

Merci aux Insoumis qui voteront Macron dimanche et le combattront politiquement et dans la rue ensuite, merci aussi à Yanis Varoufakis, Etienne Balibar, Edwy Plenel, Michael Löwy, merci à Daniel Cordier, aux époux Klarsfeld, aux anciens résistants et déportés de rappeler ce que fut le dernier gouvernement connu d’extrême droite en France, merci à tous ceux qui savent et disent qu’ils ne lutteront pas mieux contre les injustices sous un gouvernement qui interdira les manifestations au nom de l’état d’urgence, sanctionnera les juges indépendants, expulsera les malades étrangers, empêchera tout regroupement familial et abolira le droit du sol…

Pour nos grands-parents et pour nos enfants, merci.

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