Hervé Bourhis, animal discret, auteur du Teckel dont Libération publie le tome 2 en avant-première cet été, a été récompensé en 2002 du Prix René Goscinny pour son livre Thomas ou le retour du tabou. Avoir été choisi pour ce cahier estival - dont le thème principal est «tabous et interdits» - apparaît donc comme un sympathique clin d'œil ou un véritable signe du destin.
Ce n'est pourtant pas avec un second tome des aventures de son jeune héros obsédé par les filles que Hervé Bourhis s'installe dans nos pages, mais avec le deuxième volume des aventures du Teckel. Rien de mignon ni de canin derrière ce personnage, puisqu'il s'agit d'un visiteur médical dans un grand labo dont l'antidouleur vedette a un effet indésirable un peu ennuyeux : il tuerait quelques patients… Qu'à cela ne tienne ! On le retire du marché, on lance une belle campagne de pub pour un nouveau médicament (avec des petits enfants noirs et beaucoup d'émotion) et l'on part faire du lobbying auprès des médecins de province afin qu'ils prescrivent la nouvelle pilule miracle.
Pour cette mission au fin fond de la France profonde, un drôle d'attelage : Jeremy Labionda, jeune cadre gay un peu opportuniste, fils à papa bardé de diplômes, et notre héros, Guy Farkas, alias le Teckel, «une légende de la profession, visiteur médical depuis 1723...». Gros cigare, CX break années 70, costume pattes d'eph et look à la Derrick, l'homme - qui aime à citer Rimbaud - est à quelques mois de la retraite et à des années-lumière de l'univers de son jeune collègue. Comment le duo va-t-il fonctionner ? Quels secrets cache le Teckel ? Le talent et la fantaisie débridée (déjantée ?) de Hervé Bourhis auront vite fait de faire exploser les clichés, les lignes droites et les certitudes du lecteur.
Le premier tome (résumé par Hervé Bourhis en pages suivantes) s’achevait avec le départ du Teckel à Rio en compagnie de la nouvelle femme de sa vie, quelques cadavres dans les placards et toujours des citations de Rimbaud à la pelle. Il reprend du poil de la bête dans ce second opus avec les mêmes protagonistes et Madonna en nouvelle muse. Interview.
Comment vous est venue l’idée du Teckel ?
J’avais dans mes tiroirs des idées d’histoires inabouties. L’une, un peu houellebecquienne, racontait la promiscuité de deux VRP qui se détestent. L’autre, le parcours d’un vieux VRP à la Marielle, période 1975 qui trimbalait un cadavre dans le coffre de sa vieille CX, d’un rendez-vous à l’autre. Le scandale du Mediator a cristallisé tout ça. On a donc affaire à deux VRP qui se détestent et qui devront vendre un médicament douteux…
Pourquoi cette histoire de visiteurs médicaux ?
Parce que le père d'une amie faisait ce métier et m'avait raconté «le bon vieux temps».Quand on pouvait rigoler franchement avec les toubibs et leur offrir des boîtes de cigares et des vacances. Maintenant les labos organisent des séminaires à Saint-Barthélémy pour leurs bons «clients», c'est très différent.
Et l’idée du second tome ?
Je me suis attaché au personnage. Il me permet, sous un vernis vintage et sans y toucher, de faire un portrait ultra-contemporain de la France. Les smartphones omniprésents, le porno amateur, le retour en force idéologique de la France profonde…
Rock, vikings, vélos-taxis et «tout un tas d’autres sujets passionnants…», comme vous l’écrivez dans votre présentation, vos univers sont très éclectiques…
Parce que je m’ennuie vite. Quand j’ai fini une chronique contemporaine, je veux faire un truc jeunesse d’aventure, et inversement. De la même manière, j’aime alterner les projets solos et en collaboration.
Vous êtes dessinateur et scénariste, comment s’articule votre travail ?
J’écris des histoires. Et si en cours de route je me rends compte que je n’ai pas envie - ou pas les capacités - de les dessiner, je fais appel à un copain. Parfois, c’est une rencontre qui est à l’origine d’un projet…
Si une des deux activités devait primer, laquelle choisiriez-vous ?
Le scénario. Parce que rien ne m’empêche de faire des illustrations à côté. Mais pas nécessairement du dessin de bande dessinée, qui est une discipline à part, très contraignante et répétitive. Je préfère dessiner hors les cases.
Un personnage de vos BD auquel vous vous identifiez ?
Eh bien, par exemple, étant entre deux âges, je me sens à la fois proche du Teckel et de son comparse junior.
Et un personnage de BD que vous auriez aimé inventer ou être ?
Blotch, de Blutch, un personnage ventru et veule, dessinateur sans talent évoluant dans les années 30. J’aurai aimé l’inventer. Pas l’être, merci bien !
Retrouvez le Teckel dans le cahier été