A leur retour de Polynésie, les explorateurs ne ramènent pas que le tabou, ils reviennent surtout transportés et sous le charme de ces terres lointaines.
Dans Le voyage autour du monde, qui connaît un immense succès, Bougainville en fait le plus d'éloges. Après des mois en mer, épuisé par le scorbut, il y raconte comment son équipage arrive à Tahiti, une terre comblée par la nourriture et les amours faciles. Cette île, il la surnomme la Nouvelle Cythère, l'île d'Aphrodite chez les Grecs. «Je me croyais transporté dans le jardin d'Eden […] Partout nous voyions régner l'hospitalité, le repos, une joie douce et toutes les apparences du bonheur.» Les récits de Wallis et de Cook ne contredisent en rien cette impression. Au sujet de Tahiti, ce dernier écrira d'ailleurs : «Je ne crois pas qu'il y ait sous le soleil de peuple plus heureux». Et même si les navigateurs racontent aussi les attaques, les sacrifices humains, les guerres, les vols, ou l'esclavagisme, ce n'est pas ce qu'en retiendra l'histoire. Aux yeux de leurs contemporains, les archipels de l'océan Pacifique deviennent un refuge pour l'utopie. Le mythe du paradis terrestre est né, celui qui poussera quelques décennies plus tard, Gauguin à trouver asile sur ces îles brûlantes.