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Libération
Tombé du ciel (3/6)

A Naples, la liquidation doit être totale

Reliques et lieux sacrés auraient fait des miracles. Aujourd’hui, le sang de San Gennaro.
La cathédrale de Naples. (Photo Leandro Neumann Ciuffo)
publié le 27 juillet 2015 à 17h26

De bonne grâce, le pape François, devant ce demi-miracle, a fait de l'humour. «On voit que le saint nous aime seulement à moitié. Il faut que nous nous convertissions tous un peu pour qu'il nous aime davantage», lâche, le 21 mars au Duomo San Gennaro (la cathédrale de la ville), le pontife, en visite à Naples. Le pape argentin a quand même droit à plus d'égard de la part du saint napolitain que ces prédécesseurs, Benoît XVI et Jean Paul II, lors de leurs déplacements dans la ville de Campanie. En présence de François, le sang de San Gennaro, un saint martyr du début du IVe siècle, contenu dans deux ampoules précieusement conservées dans la chapelle du Trésor, a bien voulu se liquéfier. Enfin, pas complètement, juste à moitié. Mais suffisamment pour ne pas trop susciter d'inquiétudes.

Grands superstitieux devant l’Eternel, les Napolitains redoutent les caprices du sang de San Gennaro, le saint protecteur de Naples. S’il ne se liquéfie pas lors de quelques dates spécifiques (le samedi précédant le premier dimanche de mai, le 19 septembre et le 16 décembre), l’affaire est souvent annonciatrice de catastrophes. En 1973, le précieux liquide ne mua pas dans les deux ampoules. En septembre de cette année-là, un mal du Moyen Age, une épidémie de choléra, frappa la ville, tuant une vingtaine de personnes et en contaminant 2 000.

En 2007, malgré la grande ferveur de Benoît XVI qui avait longuement embrassé les deux ampoules, le saint était resté de glace. Et le sang, de marbre. Rien, absolument rien ne s’était passé. Par la suite, fort heureusement, aucun cataclysme ne s’était abattu sur la ville : ni guerre ni éruption du Vésuve.

Naples est la quintessence du baroque. Par son architecture et sa culture, mais surtout par son peuple et ses croyances. Solide et vivace, la légende de San Gennaro en est l’une des incarnations. Evêque de Benevento, à une cinquantaine de kilomètres de Naples, San Gennaro (saint Janvier, en français) fut décapité pendant les persécutions de l’empereur Dioclétien contre les chrétiens. Avant de mourir, le saint eut le temps d’accomplir quelques miracles, guérissant une femme paralytique à la sortie de sa dernière messe, sortant indemne du bûcher dans lequel on l’avait précipité, décourageant les fauves de le dévorer, ainsi que ses compagnons. Selon la légende, lors du transfert de sa dépouille après sa décapitation, une fidèle recueillit un peu de son sang, celui censé se trouver aujourd’hui dans les fameuses ampoules.

Avant les trois dates prévues pour la liquéfaction, un peu d’inquiétude flotte toujours dans les rues de Naples. Et, aux jours dits, les Napolitains se rendent en grande procession au Duomo, où l’archevêque brandit devant la foule anxieuse les deux ampoules. Si le sang se liquéfie, l’un des huissiers agite un mouchoir blanc. Durant quelques mois, San Gennaro veillera encore…

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