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Libération
Tombé du ciel (5/6)

Mahomet en kit

Reliques et lieux sacrés auraient fait des miracles. Aujourd’hui, les nombreux vestiges du Prophète.
publié le 29 juillet 2015 à 17h26

Des empreintes de pied, quelques turbans, un peu de poils de barbe, beaucoup de cheveux, pas mal d'épées, des gouttes de sueur, un ou deux bols mais surtout un manteau et une bannière qui sont, l'un et l'autre, d'importants insignes du pouvoir. La moisson est opulente. Comme dans le cas de tous les fondateurs de religions, on ne manque donc pas de reliques pour le prophète Mahomet. De son vivant déjà, il était l'objet d'une intense vénération. C'est du moins ce que racontent des légendes toutes plus merveilleuses les unes que les autres. Ainsi celle de la mère d'un de ses jeunes serviteurs qui recueillait précieusement, dans un flacon, les gouttes de sueur qui tombait du corps de Mahomet durant sa sieste. A son réveil, comme il l'interrogeait sur ce qu'elle était en train de faire, elle lui répondit : «C'est ta sueur, nous la mettons dans notre parfum car c'est le meilleur des parfums.» Ce n'est pas tout, les cheveux du fondateur de l'islam était aussi très prisés. De son vivant même, l'un de ses compagnons portait dans son bonnet quelques-uns de ses cheveux.

Depuis les premiers siècles de l'islam, la ferveur n'a pas faibli. Comme Saint Louis achetant, au XIIIe siècle et à prix d'or, la relique de la Couronne d'épines du Christ, le dictateur tchétchène, Ramzan Kadyrov, a voulu, lui aussi, sa relique de Mahomet à Grozny. Le 21 septembre 2011, Kadyrov, à bord d'une Rolls Royce, organise une procession jusqu'à la grande mosquée de la ville pour y déposer une coupe, censée avoir appartenu au fondateur de l'islam. Mise aux enchères à Londres, elle a, semble-t-il, été acquise par un milliardaire tchétchène plus ou moins mafieux.

Reste que Kadyrov ne pourra jamais rivaliser, en la matière, avec Recep Tayyip Erdogan, l’homme fort de la Turquie. Héritage de l’empire ottoman, c’est à Istanbul que sont conservées, au palais de Topkapi, les plus nombreuses et les plus importantes reliques attribuées au Prophète. Celles-ci étaient auparavant détenues au Caire par les descendants des califes abbassides. En 1517, les Ottomans écrasent l’armée mamelouke et s’emparent de la ville. Les reliques du Prophète sont alors transférées à Istanbul. Parmi celles-ci, le Manteau du Prophète (ou Manteau béni) a l’importance politique la plus significative. Sous la garde du sultan, il confortait, comme une sorte d’onction sacrée, son pouvoir. Chaque quinzième nuit du ramadan, le sultan et sa cour venait rendre hommage au Manteau béni. Pour l’occasion, on le sortait du coffre d’or où il était conservé. Seul le sultan en possédait la clé. Tour à tour, chacun venait embrasser le Manteau du Prophète à travers un mouchoir de mousseline.

Ces reliques sont toujours montrées au musée de Topkapi. Cinq salles y sont consacrées. Outre le Manteau béni et la Bannière du Prophète, il y a, là aussi, des cheveux, des poils de barbe, une empreinte de pied, le Sceau du Prophète… Dans l’une des très nombreuses mosquées d’Istanbul, la mosquée Eyyup, il y a une autre empreinte du pied.

Rite populaire, la vénération des reliques a pour fonction, en islam comme dans les autres religions, de s'attirer la bénédiction de Dieu (le tabbarouk). Mais invoquer les morts est sujet à débats. Ibn Tameyya, le célèbre théologien du XIIIe siècle, très lu par les milieux ultrarigoristes et fondamentalistes, condamnait cette pratique. Suivi en cela par les salafistes d'aujourd'hui.

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