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Libération
Bleu (6/6)

Visions cliniques en mal d’horreur

Tout l’été, «Libération» décline les couleurs de l’arc-en-ciel par le prisme de photographes. Aujourd’hui, Jean-Vincent Simonet.
«Maldoror». Photo extraite du «Chant quatrième» de Jean-Vincent Simonet.
publié le 30 juillet 2015 à 17h16

«Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l’eau des fleuves, ni la rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un énorme champignon, aux pédoncules ombellifères. Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis quatre siècles. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent, jusqu’à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie d’ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n’est plus de la chair. Cependant mon cœur bat.»

Ces phrases vénéneuses issues du Chant quatrième des Chants de Maldoror parlent d'elles-mêmes. La poésie d'Isidore Ducasse, alias le comte de Lautréamont, est composée d'images mentales où les corps se disloquent en lambeaux de chair à moitié mortes tout en copulant avec des plantes malades. Jean-Vincent Simonet, jeune photographe français, a dépeint pour son travail de fin d'étude à l'Ecal de Lausanne un Maldoror bleu. Un bleu de sang coagulé. Dans le Chant quatrième, Maldoror a une vipère en guise de sexe, des testicules dévorées par un chien, l'anus écarté par les pinces d'un crabe et les fesses flasques comme des méduses. Des images magnifiques et lugubres que Jean-Vincent Simonet a réinterprétées en version contemporaine et esthétique. De ces images, il a fait un livre, autoédité à 200 exemplaires, qui a remporté le Swiss Design Award 2015. Son travail est sélectionné par le Foam Talent 2015.