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Libération
Cheveux vous dire (4/6)

Le serre-tête bien droite

Toujours tendance chez les conservatrices, cet allié indissociable de la bourgeoisie a souvent été brocardé, à l’instar des mèches et carrés qu’il tient sur les têtes blondes.
Le carré bien propret de Marielle Le Quesnoy dans «La vie est un long fleuve tranquille» (1988) (Photo DB. MK2 - Telema)
publié le 11 août 2015 à 17h16

C'est un accessoire qui concentre pas mal de clichés. Un ornement capillaire qui dirait à lui seul : messe le dimanche, vote à droite, lecture des Triplés, femme au foyer, école privée et, depuis 2013, Manif pour tous. Pauvre serre-tête en velours, irrémédiablement associé à la bourgeoise coincée ! Dans le sketch des Nuls, il venait déjà compléter la panoplie de la «Versaillaise», comportant collier de perles, jupe plissée, carré de soie, fièrement porté par Dominique Farrugia. Dans la série Gossip Girl, Blair Waldorf, peste friquée habitant le très huppé Upper East Side, dévoile, aux cours des six saisons, son impressionnante collection.

Mais le serre-tête n'est pas le seul attribut capillaire des tendances conservatrices. Si les soixante-huitards et tous les gauchistes se reconnaissent à leur tignasse hirsute, la haute bourgeoisie ne manque pas de coupes de cheveux propres à son milieu. Bien identifiées et très souvent moquées dès qu'il s'agit de brocarder la richesse, les beaux quartiers. C'est le carré bien propret de Marielle Le Quesnoy dans La vie est un long fleuve tranquille. C'est le combo barrette et raie sur le côté de Béatrice de Montmirail, alias Valérie Lemercier, dans les Visiteurs. Ce sont les mèches, bien évidemment sur le côté, des Inconnus, Charles-Henri Du Pré et Hubert Valéry Patrick Stanislas Duc de Montmorency, dans leur clip Auteuil Neuilly Passy. C'est la sage queue-de-cheval, le strict chignon ou le brushing raffiné de Kate Middleton. «Ce sont des coupes, des longueurs qui appartiennent à l'esthétique de l'ordre, comme la coupe en brosse ou la raie sur le côté, marqueur d'autorité», détaille Christian Bromberger, anthropologue. Car à l'instar des vêtements, les tifs, que ce soit leur coupe ou leur longueur, sont des marqueurs sociaux, des signes de reconnaissance contribuant à classifier, à situer le moindre ébouriffé ou la plus choucroutée sur le grand échiquier de la société. Et à ce jeu-là, il s'agit surtout pour les nantis de ne pas «faire dépasser le poil, de le discipliner». «Le négligé correspondant à ceux considérés à la marge comme les contestataires ou les mystiques», ajoute Christian Bromberger. Ou, pire, aux femmes aux mœurs légères. Ne dit-on pas «femme en cheveux, viens si tu veux» ?

Autre potentiel marqueur conservateur ? La blondeur. Selon une enquête réalisée par Causette en août 2010, les blondes (naturelles et teintes confondues) pencheraient en effet plutôt à droite. Au sein du personnel des partis politiques, elles seraient plus nombreuses dans les formations de droite et d'extrême droite que de gauche. Exemples ? Nathalie Pécresse, Nadine Morano ou encore Michèle Alliot-Marie au sein de feue l'UMP. Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen pour le FN.

Une tendance qui se confirmerait également dans l'électorat. Un sondage Ifop, commandé pour l'enquête, révèle que parmi les femmes qui votent à gauche, on compte seulement 19 % de blondes contre 27 % pour celles qui se disent de droite. Causette avance deux hypothèses sur ces résultats décoiffants. La première est que la coloration des cheveux (qui concerne 95 % des blondes) renverrait à une vision conservatrice de la société, plus tradi avec des rôles sexuels bien définis entre les hommes et les femmes. Un peu tiré par les cheveux. La seconde, plus rationnelle : les femmes se teignent plus au-delà de 60 ans, un âge où le vote à droite augmente.

A lire : les Sens du poil, une anthropologie de la pilosité. Créaphis (2014).