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Libération

La Bosnie était leur rêve.

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Bosnie, la guerre des intellectuels
publié le 14 septembre 1996 à 11h07
(mis à jour le 14 septembre 1996 à 11h07)

Je me souviens de la Bosnie. Je me souviens d'une Bosnie à la fois très ancienne et très moderne. Je me souviens d'une Bosnie qui était une idée neuve en Europe, car chacun y «oubliait» son identité communautaire et nationale. Je me souviens d'une nation qui était une antination ­ car comment baptiser autrement cette société d'origine diverse où l'on plaçait au-dessus de tout l'appartenance transnationale et citoyenne?

Je me souviens, à Grondj, autour de Sarajevo, de ces combattants serbes qui, au coude à coude avec les Musulmans, défendaient l'esprit de leur ville.

Je me souviens de Jovan Divjak, général et résistant, qui m'y avait accompagné et était, justement, d'origine serbe.

Je me souviens de la surprise de François Mitterrand quand je lui appris qu'il y avait, à Sarajevo, des Serbes qui, comme Divjak, luttaient pour la Bosnie et donc contre d'autres Serbes: «Imaginez un général allemand commandant l'armée française en 1939 ou, mieux, la résistance; imaginez le miracle d'une ville en état de siège confiant la défense de ses enfants à un officier qui, en pure logique nationale, devrait apparaître comme un ennemi.»

Je me souviens d'un Musulman de Brcko qui franchissait les lignes adverses, chaque nuit, pour aller retrouver sa fiancée.

Je me souviens de cet artilleur de Donji Vakuf qui veilla, pendant toute la durée du siège, à épargner le clocher de l'église orthodoxe de sa ville.

Je me souviens avoir fait un petit sondage, un soir, dans une tranchée de Maglaj: il y avait là,