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Critique

LES AUTEURS DE NOS 25 ANS. 1989. SIMON. Les racines de l’acacia

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Huit ans après «les Géorgiques», le Prix Nobel 1985 publie le plus autobiographique de ses livres: «l’Acacia», éducation sentimentale d’un jeune homme «sauvé» par la guerre.
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publié le 19 mars 1998 à 20h57

D’où vient cette force qui permet à un écrivain de soulever des montagnes et de se dépasser lui-même, de livre en livre ? Ni du ciel ni des Muses, dirait Claude Simon : du travail. On connaît sa méfiance à l’égard de l’inspiration. Aucun dieu ne l’arrache à ses ratures pour le transformer en pythie. Le travail : c’était aussi le sens de sa déclaration à l’Union des écrivains d’URSS qui le recevait en 1984. L’assistance venait d’apprendre avec embarras que Claude Simon avait voyagé en URSS en 1937 ­ «Oh ! lala! Vous étiez là !» ­ et le porte-parole officiel y voyait l’occasion de demander à l’écrivain s’il était «plus particulièrement préoccupé par certains problèmes». La réponse jetait un froid : «Il y a trois problèmes qui ne cessent de me préoccuper : le premier, c’est de commencer une phrase. Le second, c’est de la continuer. Le troisième, c’est de la finir.» On espérait voir Claude Simon ouvrir ses ailes et s’envoler dans les hauteurs. Il parlait tournevis et boulons.

L’émotion qui saisit le lecteur de l’Acacia ne remet pas en question l’existence du tournevis, mais elle montre ce qui l’habite, comme ces lentilles incrustées dans les anciens porte-plumes où l’on découvre une vue du Mont-Saint-Michel ou de la corniche de Monaco. Huit ans après les Géorgiques, le dernier roman de Claude Simon, et près d’un demi-siècle après les premières lignes du Tricheur, l’Acacia raconte l’histoire d’un commencement : à travers les fragments lumineusement désordonnés d’une sorte d’autobi