A l'Institut des textes et manuscrits modernes (Item) sont
rassemblés de nombreux autographes de natures diverses: écrits et brouillons manuscrits d'écrivains, tapuscrits corrigés et surchargés de mathématiciens, d'hommes de science et de créateurs de toutes sortes de la partition musicale au «plan masse» de l'architecte, en passant par les scénarii de films. La vocation de ce centre de recherche fondé en 1968, et aujourd'hui rattaché au CNRS, réside en effet dans l'établissement et l'étude des innombrables traces, ébauches, esquisses et autres «avant-textes» qui témoignent de la création humaine. Mais cette matière, constituée de papiers plus ou moins jaunis et froissés, couverts de griffonnages et de ratures, est-elle menacée de disparaître en raison de l'usage grandissant par les écrivains de cet autre support qu'est l'ordinateur? Chercheur à l'Item, le linguiste Jean-Louis Lebrave ne s'inquiète guère. Avec ses collègues, il s'est déjà longuement penché sur la question. A l'occasion de deux séminaires tenus en 1986 et 1990, rassemblant linguistes, psychologues, écrivains, informaticiens et professeurs de lettres, une exploration approfondie des «mutations du lire-écrire» engendrées par l'omniprésence de l'ordinateur a donné lieu à des conclusions parfois inattendues: ainsi l'ordinateur pourrait être producteur d'un nouveau mode de création littéraire, où l'oeuvre romanesque prendrait la forme d'un hypertexte (1) et offrirait au lecteur un «roman» à plusieurs direction