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Libération

UN ETE 98. Tous les jeudis. LE CABINET DES MANUSCRITS (fin).Le Lacan qui n'existait pas. L'édition de ses «Ecrits» pose un véritable problème de sources.

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publié le 27 août 1998 à 8h21

Lacan disait volontiers que ses Écrits étaient moins achetés pour

être lus que pour «faire bien». L'édition de ses séminaires, donnés de 1953 à 1980, ne lui a pas semblé non plus assez opportune pour y veiller personnellement. Il se contenta d'en déléguer la tâche à Jacques-Alain Miller, qui est parvenu jusqu'ici à en publier dix ­ selon un rythme totalement erratique ­, sur vingt-six annoncés. On se demande pourquoi ce labeur semble aussi ardu et soulève certaines critiques, quand son aboutissement sous la forme d'un nouveau «livre» au Seuil n'en est pas moins toujours attendu et salué comme un événement. La réponse de Jacques-Alain Miller tient en substance dans le paradoxe où cette entreprise le place à chaque départ: à savoir que le «texte» qu'il est supposé établir n'existe tout simplement pas. Lacan n'a laissé nulle trace écrite ­ ou si rares ­ de ses propres séances. Évidemment, chacun des séminaires publiés n'est cependant pas une création ex nihilo. Mais il faut qu'elle émerge d'une «soupe primitive», faite des versions dues à la sténotypiste chargée par Lacan de retranscrire ses propos, des propres notes éventuelles et souvenirs personnels de Jacques-Alain Miller, d'enregistrements magnétiques, de plusieurs transcriptions dactylographiées et autres notes pirates ou tapuscrits plus ou moins complets vendus sous le manteau. La diversité et l'équivocité du matériau que Jacques-Alain Miller voit s'étaler devant lui prend vite l'allure de l'antitexte par excellence. Comm