Jacques Le Cacheux est professeur à l'université de Pau, et il
dirige le département des études à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Que vous inspire cette carte?
On y voit très bien la fameuse «banane bleue» des régions européennes riches: elle passe par Londres, Paris, la région rhénane, le nord de l'Italie et débouche en Catalogne. Les fortes disparités entre régions à l'intérieur même des pays sont également frappantes. C'est flagrant pour l'Italie, l'Allemagne ou l'Espagne. Cette carte prouve qu'on peut vivre ensemble sous une même monnaie (la lire, le mark, la peseta") avec des écarts de développement importants. La France apparaît comme une exception: les services publics, l'aménagement du territoire, la volonté politique républicaine ont atténué les inégalités régionales.
Autrement dit, il ne faut pas trop compter sur l'euro pour égaliser les niveaux de vie en Europe.
Oui, et certains économistes imaginent même un scénario inverse: l'achèvement, par la création d'une monnaie, d'un grand marché européen unifié favorisera les régions les plus fortes au détriment des autres; il renforcera la polarisation de l'activité économique, notamment à l'intérieur de la «banane»" Vous croyez à ce scénario?
Non. Ce n'est pas ce qu'on a observé avec le marché unique. En réalité, des forces s'exercent dans deux directions. Il y a celles qui poussent à la concentration: par exemple, les entreprises vont là où les infrastructures sont les meilleures, où existe une