La caméra de cinéma est née lourde et peu mobile. Mais il n'a pas
fallu longtemps pour que les cinéastes essaient de vaincre la gravité, tentent de rendre les appareils de prises de vues plus légers, plus maniables, afin de leur donner la possibilité de tout filmer. Déjà entre 1922 et 1927, Abel Gance, aidé par l'inventeur André Debrie, filme une partie de son Napoléon avec des caméras portables. Pour, dit-il, «faire du spectateur, jusque-là passif, un acteur» et «pour qu'il participe à l'action et que ses facultés d'analyse et de critique soient jugulées au bénéfice de ses facultés affectives, d'où émotion et emprise absolues».
C'est ainsi que dans les scènes de Brienne où l'on voit le jeune Bonaparte démontrer son précoce génie de la stratégie, des caméras sont placées sur des traîneaux glissant à toute vitesse; que dans les séquences de Corse, elles planent au-dessus du terrain, escaladent des rochers à pic ou traversent des gouffres profonds suspendues à des câbles d'acier. C'est ainsi encore qu'une autre caméra fut balancée sur une escarpolette au-dessus des foules entourant la Convention et ses députés, etc.
En URSS, à la même époque, Dziga Vertov (l'Homme à la caméra) fait un rêve à peu près similaire, celui du ciné-oeil, «l'oeil mécanique, libéré de l'immobilité humaine», et il imagine une cinéperception en mouvement. Mais il est encore entravé par le poids de son matériel. L'apparition du cinéma parlant va encore alourdir le dispositif. Cela n'empêche pas Jean Renoir