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Libération

Chantons sous l'établi.

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EMPLOI: Travail, un drôle de drame. Depuis toujours, on trime, on se lamente dans les refrains.
publié le 5 juillet 1999 à 23h49
(mis à jour le 5 juillet 1999 à 23h49)

Les marins ont leur hisse et ho. Les paysans leurs briolages ou terlaudages, suivant les régions, suites d'onomatopées censées rythmer le labeur des boeufs. Bref, la chanson accompagne l'effort depuis la nuit des temps. Et reste vivace dans beaucoup de corporations, on pense aux peintres, par exemple. Plus moribondes par contre sont les chansons qui décrivent le monde du travail" Le Top 50 les a éradiquées.

Mais quelles que soient les époques, elles n'ont jamais été franchement gaies. Si une ou deux raretés laissent perler un érotisme aimable, comme par exemple cette chanson des trois maçons qui font leur tour de France, avec l'injonction de la belle Picarde au maçon: «Soulève mon jupon tu verras ma carrière», le plus souvent, c'est l'ouvrier qui trime, le paysan qui se lamente. Comme dans le Pauvre Laboureur: «Le pauvre laboureur/ Il a bien du malheur/ Qu'il pleuve qu'il neige qu'il vente/ Qu'il fasse mauvais temps/ Partout l'on voit sans trêve/ Le laboureur aux champs», avec cette belle image: «Il est toujours vêtu comme un moulin à vent», préfigurant le cri des soyeux lyonnais révoltés: «C'est nous les canuts/ Nous allons tout nus», dont Aristide Bruant tira une chanson. Laissant la poésie à l'aristocratie et à la bourgeoisie, les poètes prolétariens investissent la chanson au XIXe siècle et après. La description de leur condition par Pierre Dupont dans son Chant des ouvriers est effrayante comme la réalité de l'époque: «Quel fruit tirons-nous des labeurs/ Qui courbent no