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Libération

AN 2000. Les objets du siècle. L'isoloir. Traverses. De la bigoterie politique. Le tabernacle de la démocratie.

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par Olivier IHL
publié le 16 octobre 1999 à 1h14

«Le communisme? C'est les soviets plus l'électricité.» La formule a

longtemps servi de prêt-à-penser. De nos jours, un nouveau credo fait fureur: «La démocratie? C'est l'urne plus les partis.» L'urne mais aussi l'isoloir, l'enveloppe, la carte d'électeur: autant de dispositifs que les démocraties occidentales exportent triomphalement vers les nations en voie de «modernisation». Autant de dispositifs qui passent désormais pour exprimer une donnée immédiate de la conscience universelle. N'est-ce pas cependant confondre l'usage des subtilités du droit électoral avec l'acceptation des principes démocratiques? Voire, céder à une véritable bigoterie politique?

Bureau de vote de Koumassi, septembre 1998: quelques tables disposées en fer à cheval, dans un coin, un rideau tiré sur une silhouette, en face des caisses en bois blanc. La majesté du suffrage universel? Dans cette commune de Côte-d'Ivoire, elle tient d'abord à la dignité qui entoure les urnes, objets d'une véritable liturgie civique. Car de «sincérité» électorale, il n'en est pas. Chaque candidat est assis derrière «sa» boîte de scrutin. Un autel devant lequel les votants viennent se présenter en file indienne. Caricature de vote? Sans doute. Mais aussi ­ prenons-y-garde ­ hommage public rendu à la matérialité du secret. Car si ce bricolage électoral est une manière de se donner un certificat de démocratie, il invite aussi à un constat. Celui de l'existence de ce qu'il faut bien appeler un fétichisme des procédures de vote