Les banques ont envahi les immeubles désormais rutilants de la toute proche avenue Narodni, et dans les ruelles alentour s'alignent les boutiques pour touristes. Rescapée comme par miracle des rénovations, la vieille brasserie U Zpevacki, jadis quartier général de nombreux dissidents, est devenue un lieu interlope surtout fréquenté par les dealers, mais ce soir-là, intellectuels et artistes s'entassent à nouveau dans les petites salles enfumées. Ils fêtent la sortie du recueil de poèmes la Vanité du cinglé. Le «cinglé», c'est le surnom d'Ivan Martin Jirous, quinquagénaire à la trogne rubiconde qui chante à tue-tête derrière un piano électrique posé au milieu des chopes de bière. «Quand j'entends une voiture freiner sous mes fenêtres je ne prépare plus ma brosse à dents, mais nous rêvions d'une autre chose; la révolution de Velours a été trahie, comme toutes les révolutions», ironise celui qui fut l'inspirateur des Plastic People of the Universe, le plus fameux groupe rock de l'underground tchèque inlassablement persécuté par les autorités communistes. Leur procès précipita la sortie de la Charte 77, le document fondateur de la dissidence tchèque. Ivan Martin Jirous fut l'un des premiers signataires de ce texte qui regroupa finalement près de 2 000 noms. En tout, il a passé huit ans en prison. Provocateur paillard et mystique, le «cinglé», reconnu comme l'un des plus grands poètes tchèques contemporains, figure déjà en bonne place dans les anthologies. Mais il a choisi de re
Reportage
Ex-dissidents, citoyens militants.
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par Marc Semo
publié le 6 novembre 1999 à 1h49
(mis à jour le 6 novembre 1999 à 1h49)
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