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Libération
Reportage

Un passé qui passe mal.

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Dix ans après la chute de Ceausescu, les archives s'entrouvent sur des années qui gênent tout le monde.
publié le 6 novembre 1999 à 1h50
(mis à jour le 6 novembre 1999 à 1h50)

A côté de la lourde porte de fer, la plaque porte toujours l'inscription «centre d'enquêtes pénales de la police». Le bâtiment de béton gris se dresse au coeur de la capitale roumaine, non loin du palais mégalomaniaque des défunts époux Ceausescu, dans une rue rebaptisée, peu après l'effondrement du régime, à la mémoire d'un chef d'orchestre sans histoire. Jusque-là, elle s'appelait rue Rahovei, et les habitants de Bucarest prononçaient ce nom avec d'autant d'effroi que les Mosco-vites celui de la Loubianka. Cet immeuble de trois étages était le principal centre d'in-terrogatoirede la Securitate, et des milliers d'opposant ou supposés tels avaient défilé depuis les années 50 dans les cellules du sous-sol, avant de partir pour les prisons et les camps. Là, en septembre 1985, fut emmené Gheorghe Ursu, ingénieur architecte,intellectuel raffiné et trop disert, dénoncé par deux de ses subordonnés. Officiellement arrêté pour trafic de devises ­17 dollars saisis lors de la perquisition­, longuement interrogé, il n'en est pas ressorti vivant.Cette affaire aurait pu sombrer comme tant d'autres dans l'oubli s'il n'y avait eu la persévérance de ses enfants vivant aux Etats-Unis et de ses nombreux amis de l'intelligentsia dissidente.

Peu après la «révolution» de décembre1989, l'enquête fut rouverte. La presse démocratique brandissait ce cas comme un symbole.Dix ans depuis ont passé, et la justice n'est toujours pas faite malgré les très lourdes présomptions contre cinq officiers de la po