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Libération

An 2000. Les objets du siècle. Le TGV. Enfant de la crise pétrolière, le Train à grande vitesse est appelé à passer fièrement l'an 2000, à plus de 300 km/h. Comme un avion sans ailes.

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publié le 18 décembre 1999 à 2h24

Dans l'interminable procès du «à quoi ça sert d'aller de plus en

plus vite?», on raconte que de moroses charolaises sont venues témoigner. Plaidant qu'elles avaient trop regardé passer les trains qui filent sans rien dire. Que certaines en seraient devenues folles, que d'autres auraient vu leur tête tourner et le lait virer à l'aigre. Le tribunal rétif ne les aurait pas entendues. Déboutées, les vaches.

Normal, alors que, de l'autre côté de la fenêtre, entre Arbois et frontière suisse, vignes et flocons, de rares bovins au pelage blanc ne lèvent même plus leur doux visage. L'habitude, sans doute. Ou la lassitude. Car le grand convoi bleu roule ici un rythme de sénateur. Comme les autres, michelines ou trains de marchandises. Il s'agit pourtant d'un ensemble dit à «grande vitesse» (TGV), dont le monde entier envie la rapidité et la ponctualité. Nous sommes dans un Jura profond qui vient de se couler dans une tourmente blanche. Ce jour-là, «de la neige dans l'appareillage d'aiguillage à Mouchard» aura malencontreusement raison des impératifs horaires. Inopportun blocage. Qui nous rappelle que la compressibilité de l'instant est une vertu, certes, mais que si parfois l'élastique est trop tendu il craque sans prévenir. Il fallut bien constater, en descendant à la petite gare de Frasne, que l'on était en plein Doubs, mais que l'on n'avait pas gagné de temps sur le temps. Malgré les années de travail" Les sixties, comme disent les bilingues ­ et l'on verra plus tard l'importance