On arrive par la mer depuis Hong-kong, on est comme enivré par sa
propre émotion en face du paysage, en face de la beauté, on vient de glisser pendant une heure entre les îlots déserts et une côte déserte, inondés de lumière, pelés, dépourvus d'arbres, on n'a cessé de frôler une surface où rien n'ondule, d'un vert de jade sombre, sur quoi les chalutiers de rencontre se balancent comme des jonques. Plus au sud, comme dans les livres, il y a des pirates. Le soleil scintille et, huit mois sur douze, au-delà du jet-foil glacé, la chaleur vibre.
On arrive par la mer à Macao, et, aussitôt asphyxié par une humidité brûlante, on sent qu'on a le droit de dire adieu à tout, d'habiter ailleurs, de flotter en exotisme de nouveau et comme pour toujours, c'est-à-dire au moins jusqu'à la fin de ses jours. L'impression immédiate est que l'on est en terre d'accueil, à sa place, dans un lieu d'exil idéal. On vient de présenter son passeport à des jeunes femmes en uniforme qui ressemblent à des divinités ou à des actrices, et, en réalité, on a jeté l'ancre dans la rade où on compte décliner et mourir; sans douleur déjà on est passé avec armes et bagages au profond de la terre chinoise. Et on est pourquoi ne pas le dire? fantastiquement à son aise.
Il en faut, pourtant, de l'aveuglement amoureux, pour aimer encore cet endroit! On l'a connu il y a dix ans sous sa forme de bourgade coloniale, figée dans les années 40, et ensuite on l'a vu se métamorphoser en une banale et affreuse banlieue dont