C'est l'un de ces livres qu'on ouvre pour son titre: Petites natures
mortes au travail. Il y a tout dans ces cinq mots, toute la mélancolie sans issue dans laquelle nous plonge parfois le boulot. Et cette impression d'impuissance, de Lilliput dans un monde broyeur. Cette détresse solitaire qu'on trouve ciselée au coin de l'une des vingt-trois histoires-témoignages qu'égrène Yves Pagès: «Et chaque heure de travail comme un mètre de neige au-dessus de sa tête.» Là, c'est Solveig qui parle, 16 ans, Suédoise hyperphagique venue à Paris pour un stage d'apprentissage en restauration, «un moindre mal à ses dires, comparé à d'autres voies de garage». A Marne-la-Vallée, au contraire c'est de chaleur (mais pas humaine, c'est sûr!) que manque défaillir José, «chômeur réinséré à quatre pattes» qui touche «35 francs de l'heure à se faire valoir» sous le masque de Pluto à Eurodisney, «camp de travail ouvert au public». D'une histoire à l'autre, on change totalement d'univers et de classe sociale, seule la dureté du «monde du travail» est la même, partout: Jacques, mineur retraité, «dernier-né d'une famille décimée par la silicose», qui retourne au charbon pour faire visiter son enfer devenu musée; Jean-Louis, diplômé d'un institut de communication, qui s'applique à épier les «temps de latence productive» pour aider sa direction à «vider l'abcès des charges sociales», ou encore Emmanuel «camelot du moi» dans le métro parisien" Dommage qu'Yves Pagès abuse de son talent de bateleur des mots a